Extraits d’un texte qui sera publié dans le livre consacré à ce périple solaire. Sortie prévue pour le Grand Bivouac, fin octobre.
Je n’avais pas vu la moindre petite goutte d’eau de mer depuis bien longtemps ! Depuis mon court passage par le nord de la Mer Noire en Ukraine, et quelques semaines encore auparavant une petite parenthèse sur la lagune de Venise, en mer Adriatique.
Depuis lors plus rien, j’avais traversé cette énorme masse continentale que propose l’Eurasie. Un voyage tellement loin de la mer et des océans. Je me demande d’ailleurs, si quand on est au Kirghizstan, ou encore dans le Xinjiang chinois, on est pas dans les terres du monde les plus éloignées des côtes. C’est en tout cas l’impression que cela donne, et c’est assez effrayant.
C’est dire comme j’étais content, après un week-end à Shanghai très prenant, de retrouver la mer et la sérénité de cette immensité d’eau.
Ces deux jours en mer, petite parenthèse de calme, étaient les bienvenus pour moi. Ils m’ont permis de me reposer, de digérer l’accumulation des choses intervenues durant les derniers jours (bonnes ou moins bonnes), de me sortir un peu de la pression que je mets à moi même depuis le départ, et puis d’avoir devant un vrai moment de réflexion, à quelques jours de l’arrivée, sur tout ce que j’avais vécu jusque là. C’était vraiment nécessaire et tout ça m’a finalement donné l’envie d’écrire, pour mon site, pour mon livre ou même juste pour moi.
Quitter la côte surpeuplée de Shanghai, se plonger dans un univers de vide magistral, permettant presque de deviner la rondeur de la planète, puis retrouver un peu plus loin d’autres côtes, d’autres routes et d’autres hommes, c’est une entreprise tellement romantique.
Allier voyage à vélo et voyage par la mer, c’est sentir la planète vivre sous ses pieds, c’est mieux comprendre sa géographie et ses complexités, et c’est aussi revenir à une sorte d’état originel du nomadisme. Ce nomadisme, vieux comme la présence de l’Homme sur Terre, et qui a forgé cette dernière au fil des millénaires.
Avant que l’on puisse s’offrir l’incroyable luxe de la voie aérienne, c'est par les terres, puis par les mers que les hommes, nomades par nature, ont découverts puis construits le monde. C’est en cela que je parle « d’état originel du nomadisme ». Passionné par cette histoire, la plus universelle qui soit, j’ai envie d’adhérer à la théorie développée par Jacques Attali dans son ouvrage référence « L’Homme nomade ». Selon lui, depuis le lointain primate qui descend de son arbre jusqu’à l’homme d’affaire qui sillonne la terre en avion ou encore le jeune qui découvre le monde sur internet via Google Earth ou Youtube, l’Homme n’a jamais cessé et ne cessera jamais sa grande marche nomade.
A ma manière, très modestement mais très concrètement, et surtout avec un plaisir fou, je me dis que je participe moi aussi, avec ce voyage d’un type nouveau, à la continuation de ce grand élan de l’être humain. La somme incroyable d’encouragements et de reconnaissances que j’ai reçus depuis mon départ en attestent, je ne vis pas là qu’un simple voyage en vélo.
Pour l’heure, il est maintenant venu le temps de débarquer du bateau, de mettre mes deux roues au Japon et de poursuivre ma route. C’est une sensation incroyable que de débarquer quelque part dans le monde et de pouvoir poursuivre tranquillement son chemin, les cheveux au vent. Ca c’est la liberté ! Et ça me rappelle une scène qui avait marqué ma jeunesse, quelques années auparavant, et dont je n’avais jamais parlé. Une scène, aussi brève que belle, qui est pourtant peut être l’embryon de tout ça. Je devais avoir une quinzaine d’année et revenais d’un trek au Maroc organisé par l’Option Sport de mon collège albertvillois. Arrivés à l’aéroport Saint Exupéry de Lyon, nous montions dans le bus direction la maison, quand je vis sortir du hall de l’aéroport un jeune homme, seul, avec un vélo de voyage.
Subjugué par la scène, je le regardais en train de refixer ses derniers bagages sur son cadre, grimper sur sa selle puis s’en aller via la rampe de sortie réservée au bus et au taxi, sans faire de bruit, aussi sereinement que surement. Je crois que sur le moment je m’étais dit, « ça c’est la classe ! ».
Un peu plus de dix après, à l’autre bout de la planète, je débarque au port d’Osaka, seul avec mon vélo. Je suis devenu ce jeune homme qui m’avait fait rêver. Je profite de ce moment de fierté intérieure, et puis qui sait, peut être que ça aura pu donner des idées à un petit japonais qui trainait par là.
Maginfique ...
Rédigé par : Alex | 01/10/2010 à 17:49